info

Aspects techniques

L’idée de départ

L’idée d’un Cadre pour l’enseignement et la formation de traducteurs littéraires est née en 2008, quand les Fonds Littéraires néerlandais (NLF) et flamand (VFL), le Expertisecentrum Literair Vertalen (ELV, Utrecht-Louvain) et la Nederlandse Taalunie (NTU) ont publié conjointement une brochure aux fins de « préserver une culture florissante de la traduction » dans l’aire linguistique néerlandaise [1]. La brochure présentait un état des lieux détaillé de la traduction littéraire en général et de celle assez complexe de l’enseignement et de la formation en la matière aux Pays-Bas et en Flandre. Elle revendiquait avec force la création de structures de formation continue auxquelles des programmes universitaires et des initiatives non universitaires pourraient collaborer de manière flexible.

 

Ces idées ont été présentées et débattues lors du Congrès PETRA de Bruxelles en décembre 2011. L’analyse néerlando-flamande de la situation a révélé une situation plus ou moins semblable dans de nombreux autres pays européens. La section portant sur « l’Enseignement et la Formation pratique » proposait certaines recommandations, la deuxième étant :

 

Il est recommandé de susciter des débats sur la création  de structures éducatives durables et de haut niveau assurant l’enseignement et la formation pratique des traducteurs littéraires à l’échelle européenne. Cela  implique des échanges et une coopération entre institutions universitaires et non universitaires sur le plan des contenus de formation, des questions pratiques et des méthodes d’enseignement. Un groupe de travail représentatif devrait élaborer un projet s’inspirant d’initiatives  existantes. L’un des points à débattre pourrait être le concept d’une ligne directrice d’apprentissage pour le traducteur littéraire, qui préciserait les étapes successives, allant de celle de débutant à celle de traducteur professionnel, et incluant la formation de traducteurs désireux de  transmettre leur connaissances et leur savoir-faire[2].

 

Cette idée a été reprise par l’ELV, qui fut chargée de mettre en œuvre les recommandations sur l’enseignement énoncées lors du Congrès PETRA. Assisté par huit partenaires européens (CEATL, Deutscher Übersetzerfonds, ELTE Université de Budapest, BCLT Université d’East Anglia, Université de Louvain, Université d’Utrecht, Fondazione Universitaria San Pellegrino, la Nederlandse Taalunie), l’ELV a fait une demande de bourse Erasmus+, qui lui fut accordée. L’objectif était de créer un Cadre offrant une vue d’ensemble systématique de tous les savoir-faire et de toutes les connaissances qu’un traducteur littéraire est supposé posséder. Parallèlement, ce Cadre fournirait un outil d’évaluation des programmes, des cours individuels et des ateliers déjà en place. Et surtout il constituerait un outil d’orientation utile à la carrière de traducteur littéraire : où puis-je me situer? Etant donné l’émergence de programmes de Master en traduction littéraire dans toute l’Europe depuis plusieurs années, un des principaux objectifs du Cadre serait d’offrir une base permettant aux nombreuses initiatives de formation non universitaires et aux cursus universitaires à la traduction littéraire de collaborer plus aisément.

 

Un modèle axé sur les compétences

Afin d’abolir les anciennes frontières (comme celles séparant praticiens et théoriciens) et certaines tensions récentes (entre approches universitaires et non universitaires), il s’agissait de trouver un concept de base commun. On était déjà et l’on est toujours amplement d’accord sur le fait que la traduction littéraire requiert un grand nombre de connaissances spécifiques (langues, histoire littéraire, système littéraire, différences culturelles, etc.) ainsi que de techniques encore plus spécifiques (analyse textuelle, techniques de transfert, résolution de problèmes, techniques de recherche etc.) En outre, un traducteur littéraire doit être capable de jouer un rôle non seulement dans le domaine littéraire mais aussi sur le terrain de la profession (celui des éditeurs, des sources de subventions etc.) Cette combinaison mariant connaissances, savoir-faire et attitude correspond parfaitement à la définition de ce qui, dans le contexte didactique, est appelé « compétence ». Une compétence est une constellation de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes ad hoc avérés [3].

 

Le concept de compétence était un point de départ idéal : en effet, l’une des hypothèses fondamentales qui le portait était le fait que la manière ou le contexte d’acquisition de ces compétences importait peu. Au fond, acquérir ces compétences en imitant un traducteur expérimenté, en suivant un programme universitaire ou en participant occasionnellement à des ateliers est d’importance secondaire. Au final il suffit de démontrer que ces compétences acquises sont devenues celles du traducteur ou de la traductrice. En ce sens, le modèle de compétences proposé s’adressera à n’importe quelle méthode ou école.

 

Un modèle analytique

La définition du concept de « compétence » contient déjà en soi trois distinctions claires entre connaissances, savoir-faire et attitude. De ce fait, la définition invite à une analyse précise du type de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes qu’un traducteur littéraire devrait considérer comme siennes. Bien entendu, il s’agit là d’une décision consensuelle, et c’est bien de cela qu’il s’est agi lors des nombreuses rencontres autour du projet PETRA-E. D’un point de vue conceptuel, une ligne directrice pédagogique offrant une vue d’ensemble globale de tous les types de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes du traducteur littéraire serait la représentation analytique du concept par trop synthétique de « traducteur littéraire ». Au lieu de partir d’une image toute faite a priori du « traducteur littéraire », un modèle fondé sur le concept de compétence distinguera les divers facteurs qui tout au long du processus d’enseignement et de formation, produiront un traducteur littéraire compétent. Un modèle fondé sur la compétence est par définition adversaire de l’a priori du talent naturel. Finalement, la personne possédant au départ ce talent naturel devra elle aussi  prouver que ce présupposé était bien fondé.

 

Un modèle ouvert

Le caractère analytique du modèle ne s’arrête pas à la distinction entre connaissances, savoir-faire et attitude. Comme il vient d’être dit, le concept synthétique de compétence appelé  « compétence en traduction littéraire » est une constellation de plusieurs compétences et sous-compétences partielles qui, ensemble, forment « la compétence en traduction littéraire ». Le nombre de sous-compétences, cependant, est par principe ouvert ; il est toujours possible d’en ajouter de nouvelles ou d’en supprimer d’autres, si cela s’avère nécessaire. Chaque sous-compétence, sera à son tour définie par des descripteurs. Le nombre de descripteurs est également ouvert, mais pas illimité. Parce que d’une part les descripteurs devraient recouvrir le sens de la sous-compétence en question, c’est-à-dire qu’ils devraient nommer les connaissances, les savoir-faire et les attitudesqui la composent. D’autre part et pour des raisons pragmatiques (plus particulièrement dans le cas de l’évaluation, cf. ci-après), le nombre et la formulation des descripteurs devraient être traités avec précaution et précision. Dans un souci de clarté et de précision, les descripteurs prennent la forme de « constats de capacités » commençant tous par « est capable de ou sait », par exemple : « Sait analyser les textes sources ».

 

Analyser et construire une compétence en traduction littéraire

Les deux premières étapes consisteraient donc à

 

  1. Distinguer, nommer et définir les sous-compétences.
  2. Décrire les sous-compétences à l’aide d’autant de descripteurs qu’il sera nécessaire.

 

La source principale permettant de déterminer les compétences d’un traducteur littéraire était évidemment la réalité même de la traduction littéraire. L’analyse de ce que sait un « bon » traducteur littéraire, de ce qu’il fait et de l’attitude qu’il adopte permettait de mettre  un certain nombre de compétences en évidence. Ce travail était d’une certaine façon comparable au travail d’un analyste de systèmes en TI. Toutefois, les modèles de compétence existants pour la traduction générale (technique, juridique, etc.) furent également des sources d’inspiration, particulièrement le modèle de compétences du Master européen en traduction [4] et celui développé par le groupe de recherche PACTE de l’Université de Barcelone (UAB)[5]. Ces deux modèles possèdent une structure circulaire avec une compétence centrale, par exemple la compétence stratégique dans le modèle-PACTE. Le modèle PETRA-E a choisi au départ une structure linéaire pour éviter l’apparence d’une hiérarchie des sous-compétences.

 

Huit sous-compétences ont été finalement retenues :

 

  • compétence en traduction
  • compétence linguistique
  • compétence textuelle
  • compétence heuristique
  • compétence en matière de culture littéraire
  • compétence professionnelle
  • compétence en matière d’évaluation
  • compétence en matière de recherche

 

Insistons sur le fait que l’ordre des compétences n’est pas hiérarchique. Après avoir relevé ces huit compétences, il a fallu décrire chacune d’elle à l’aide de descripteurs. Quant au nombre de descripteurs, l’intention initiale était de le restreindre au maximum. Deux critères ont été utilisés : 1. Les descripteurs donneraient une définition quasi complète (non pas idéale) de la compétence, et 2. Par la suite, chaque descripteur serait relié à des « indicateurs comportementaux » afin d’évaluer le niveau d’acquisition de la compétence. Un nombre exponentiel de descripteurs trop détaillés rendrait toute évaluation presque impossible et limiterait en outre considérablement la liberté des utilisateurs du Cadre. En conséquence, les descripteurs devaient être formulés de telle sorte qu’ils permettent l’interprétation. Afin de préserver le plus haut degré de liberté possible dans la mise en pratique du Cadre, chaque descripteur devait être formulé de manière aussi claire et générale que possible. Un descripteur ne peut trahir de préférence envers telle théorie ou telle méthode. Ainsi le premier descripteur de la compétence en traduction dit-il : « est capable de comprendre les textes sources ». Il ne mentionne pas la théorie ou la méthode à laquelle devrait se conformer une telle compréhension. Celle-ci dépend de la liberté de chaque utilisateur du Cadre. Cela reste  d’ailleurs valable pour tous les descripteurs.

 

La toute première ébauche du Cadre ne distinguait que 55 descripteurs pour les huit compétences. Au cours des multiples discussions tenues lors des rencontres d’Utrecht, de Misano, de Budapest et d’Anvers, le chiffre est monté à 126 ; pour cette seconde édition il est monté à 136, et si ce chiffre accru rend bien compte de la complexité du travail d’un traducteur littéraire, il risque également de compliquer l’applicabilité du Cadre dans son ensemble.

 

D’un modèle unilinéaire à un Cadre de références multidimensionnel

La définition et la description des compétences d’un traducteur littéraire ont abouti à une liste détaillée de compétences comparable au modèle EMT. Mais une liste n’est pas encore un Cadre, et certainement pas un Cadre de références comparable au Cadre européen commun de références pour les langues (CECRL) auquel notre Cadre se réfère dans la définition de la compétence linguistique. Avant de devenir un Cadre, la liste de compétences doit être complétée par une ligne directrice pédagogique spécifiant plusieurs niveaux d’acquisition de compétences et par un système d’évaluation et d’appréciation incluant des tests pertinents et fiables qui légitimeraient le passage à un autre niveau. D’une liste de compétences unilinéaire (verticale) le modèle devait évoluer vers un Cadre tridimensionnel qui contienne :

 

  • une liste de compétences,
  • une ligne directrice pédagogique et
  • un système d’évaluation.

 

C’est en vertu de cela seulement que les étudiants et les apprentis en traduction littéraire de toute l’Europe – qu’ils soient formés dans une institution universitaire ou non universitaire, qu’ils se forment seuls ou avec l’aide d’un tuteur expérimenté – auront la possibilité de se repérer : où puis-je me situer dans le processus qui fera de moi un traducteur littéraire compétent ?

 

C’est pour cette raison que la liste des compétences a été combinée avec une ligne directrice pédagogique distinguant cinq niveaux :

 

  • débutant,
  • apprenti avancé,
  • professionnel débutant dans la carrière,
  • professionnel avancé,
  • expert.

 

En combinant les compétences avec une ligne directrice pédagogique, le Cadre PETRA-E va au-delà du modèle de compétences d’EMT. En tenant compte du problème de l’évaluation, il suit la route tracée par PACTE (cf. ci-après). Mais il crée également une double tension : premièrement, il existe une certaine incompatibilité entre le concept d’une ligne directrice pédagogique comportant plusieurs niveaux et la nature en principe dichotomique d’une compétence : vous possédez telle compétence ou vous ne la possédez pas, vous êtes compétent ou vous ne l’êtes pas. Il est pour ainsi dire paradoxal de parler d’une « personne très compétente » ou « à moitié compétente ». Cela dit, dans le contexte didactique, il peut être utile de parler d’un continuum d’acquisition de compétence. Deuxièmement, à l’échelle européenne la distribution des descripteurs sur les divers niveaux de compétence peut varier considérablement d’un pays à l’autre, tout particulièrement dans le cas des deux premiers niveaux.

 

La première tension peut être résolue si l’on admet que la ligne directrice pédagogique opère dans un contexte didactique et que les passages nécessaires d’un niveau à un autre peuvent être légitimés par les tests intermédiaires adaptés à chaque niveau que connaissent les programmes habituels de bachelors et de masters. Mais quand il s’agit d’évaluer les compétences, celles-ci devraient être prises dans le sens de compétences finales. La seconde tension peut être résolue en fonction de la flexibilité et de l’ouverture du Cadre ; le déplacement des descripteurs vers une phase antérieure ou postérieure de la ligne directrice pédagogique ne pose aucun problème.

 

Quelques remarques sur l’évaluation

Parler de compétences et de niveaux d’apprentissage présuppose un système fiable d’évaluation et d’appréciation. Le caractère ouvert et libre du Cadre devrait en fin de compte induire un système d’évaluation qui garantisse aux apprenants, quel que soit leur contexte de formation, une information pertinente et fiable sur leurs compétences. Toutefois, la mise en œuvre d’un tel système d’évaluation n’a pu être réalisée dans le projet actuel. Elle fera l’objet d’un projet ultérieur.

 

Aujourd’hui la compétence en traduction est  en grande partie déterminée par la qualité de ce que produit le traducteur. Or, le problème fondamental est que les compétences sont les propriétés  d’un individu et non du produit (la traduction).  Sur ce point, il y a une nette différence entre l’évaluation de la compétence et l’évaluation du produit. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’y a pas de lien démontré entre la qualité d’une traduction et la compétence d’un traducteur.  Mais le contraire est tout aussi vrai : il n’est pas certain (bien qu’on puisse l’espérer) qu’un traducteur compétent produise une « bonne » traduction.

 

Dans sa forme actuelle, le Cadre a adopté une sorte d’évaluation « de présomption » : c’est-à-dire qu’il présume qu’une personne puisse passer au niveau 3 quand elle possède un master en traduction littéraire. Ou encore il présume que telle personne est un traducteur de niveau avancé dès lors qu’elle a publié deux traductions littéraires. Et pourtant, de telles présupposés ne garantissent absolument pas que l’étudiant ou le traducteur a véritablement acquis toutes les compétences nécessaires. L’une des raisons en est que dans le contexte institutionnel (universités, fondations, maisons d’édition) la compétence de l’apprenant est souvent déduite de la qualité du produit-traduction. Comme nous l’avons dit, le problème est de savoir si la qualité d’une traduction peut être directement liée à la compétence d’un traducteur.

 

D’autre part, un modèle de compétences doit faire appel à des tests pertinents et fiables attestant que telle compétence a réellement été acquise. Pour le savoir, chaque descripteur mentionné dans le Cadre devrait – idéalement –  être combiné à des « indicateurs comportementaux» perceptibles révélant que les connaissances, les savoir-faire et les attitudes nécessaires sont réellement acquis. Idéalement, chaque descripteur devrait être évalué à l’aide d’un test pertinent et fiable attestant que les connaissances, les savoir-faire et les attitudes de chaque apprenant individuel correspondent aux « indicateurs comportementaux ». Dans l’état actuel des choses, des choix subjectifs, des traditions nationales et des éléments d’idéologie esthétique peuvent biaiser l’évaluation d’une traduction, et très certainement à l’échelle européenne. Rien ne garantit que les tests axés sur la compétence puissent y remédier, mais tout au moins sont-ils guidés par la volonté d’évaluer de manière pertinente et fiable.

 

Il n’est pas certain non plus que de tels tests puissent être développés pour le Cadre dans son ensemble[6]. Le groupe de recherche PACTE, qui se concentre sur l’élaboration de tests pertinents et fiables portant sur les compétences du traducteur en général, n’a pas encore donné de résultats convaincants. Bien sûr, cela n’est pas une raison pour baisser les bras et renoncer à l’idée d’élaborer des tests ciblés sur les compétences réelles.

 

L’examen des descripteurs qui figurent aujourd’hui dans le Cadre révèle qu’ils ne pourront probablement pas tous être testés de manière pertinente et fiable. Certains descripteurs se réfèrent seulement à une situation donnée (par exemple : « Se spécialise dans un certain genre »), qui peut être confirmée ou infirmée par la simple observation. La testabilité d’autres facteurs (par exemple : « capacité créative optimale », ou « apporte sa contribution à la tradition de la traduction littéraire dans la langue cible ») est assez discutable.

 

On se heurte toujours à une certaine répugnance voire résistance dès que l’on aborde la question de l’évaluation et de l’appréciation. L’évaluation est hâtivement associée à des critères imposés ou standardisés. Ce qui ne devrait évidemment pas être le cas. Par ailleurs, l’ouverture et la flexibilité du Cadre n’ont rien à voir avec le choix arbitraire.  Si l’on veut que le Cadre soit un outil flexible d’orientation et de comparaison,  l’élaboration de tests pertinents et fiables doit y apparaître comme une aide essentielle mais en aucun cas comme une menace.

 

À propos de l’utilisation possible du Cadre

Le Cadre est un outil pratique, pas dogmatique. Il n’entend pas prescrire la manière dont un traducteur ou une traductrice atteindra son objectif, pas plus qu’il ne prescrit des contenus ou des méthodes didactiques. Il peut être utilisé comme un outil rapide ayant des applications diverses.

 

  1. Du point de vue des apprenants

Le Cadre permet aux apprenants de déterminer aisément quelles compétences ils ont déjà acquises et sur quelles compétences (ou quels descripteurs) ils doivent continuer à travailler. C’est donc pour eux un outil d’autoévaluation. En outre, la flexibilité du Cadre permet aux apprenants de configurer la voie vers le type de traducteur qu’ils veulent devenir, par exemple un traducteur « pragmatique » ou un traducteur plutôt « orienté vers la recherche ». Le Cadre permet de déterminer les compétences qui correspondent au profil désiré.

 

  1. Du point de vue des institutions

Pour les institutions qui proposent des programmes de traduction littéraire, le Cadre est un outil pratique pour élaborer le contenu de ces programmes. Quels types de cours et quels contenus doivent être offerts pour former des traducteurs littéraires à tel ou tel niveau ? Pour les programmes existants, le Cadre constitue un outil d’évaluation : tous les cours de tel programme contribuent-ils effectivement à la formation de traducteurs littéraires compétents ?

 

À un niveau national et européen, le Cadre constitue un outil permettant de comparer les programmes d’enseignement et de formation, et permettant aux apprenants de sélectionner l’institution dans laquelle développer au mieux leurs connaissances et leurs savoir-faire. Si le Cadre parvient à développer un système de tests pertinents et fiables, il pourrait être utilisé comme base d’appréciation des institutions de formation à la traduction, à l’échelle européenne.

 

Chaque enseignant peut utiliser le Cadre comme instrument de diagnostic pour ses cours : que propose le cours, à quel niveau ? qu’y manque-t-il ? etc. Au final le Cadre devrait pouvoir aider les enseignants et les formateurs à améliorer la qualité des cours et ateliers.

 

  1. Du point de vue des prestataires de formations, d’ateliers, etc.

 Les prestataires de formations et d’ateliers peuvent se servir du Cadre pour évaluer le niveau de compétence qu’ils ciblent : par exemple, s’ils organisent un atelier pour des étudiants en Master désireux de devenir des traducteurs professionnels, le Cadre peut les aider à déterminer les techniques spécifiques nécessaires à ce niveau.

 

  1. Du point de vue des réseaux

Le Cadre peut aider à la création de réseaux entre plusieurs institutions et prestataires de formations. Il peut aider à découvrir des complémentarités entre des programmes. Il est probable qu’aucune institution ne pourra jamais offrir un éventail complet de toutes les compétences mais le Cadre peut contribuer à faire découvrir le lieu où l’apprenant trouvera les compétences qui font défaut dans son institution actuelle.

 

  1. Le Cadre en tant qu’outil didactique

La version en ligne du Cadre pourrait quant à elle offrir des références bibliographiques, des conseils en matière de cours, des exemples de tests, de bonnes pratiques, etc., et cela pour chaque descripteur. Elle pourrait apporter de nouvelles idées sur le plan didactique ainsi que de nouveaux outils de formation.

 

  1. Le Cadre en tant qu’outil de communication entre éditeur et traducteur

Le Cadre peut servir aux traducteurs lors de discussions ou de négociations avec des éditeurs. Il peut aider à clarifier le genre de compétences nécessaires pour la traduction de certains textes. Le Cadre peut contribuer à une meilleure visibilité professionnelle des traducteurs littéraires et partant, améliorer leur situation économique.

 

Ce qu’il reste à faire

Le travail sur le Cadre est un travail sans fin. Une fois appliqué aux divers champs énoncés ci-dessus, de nouveaux facteurs surgiront et d’autres, existants, perdront de leur intérêt. Ainsi, une adaptation et un peaufinage constants du Cadre reste-t-il souhaitable, sinon nécessaire.

 

Deux éléments, cependant, semblent plus urgents et il serait bienvenu de les développer au plus vite, pour la survie Cadre. En tout premier lieu le développement de la version en ligne qui offrirait un très grand nombre de possibilités et d’opportunités, que la version imprimée ne peut générer. Un simple clic sur chacun des descripteurs fournira des informations supplémentaires sur sa signification. De même, cette version en ligne rendrait l’accès facile pour toute combinaison linguistique à des conseils didactiques, des références aux textes clés, des dictionnaires, des articles, etc. Bien entendu, tout cela ne pourra être réalisé qu’au fil des ans.

 

Enfin, comme le problème de l’évaluation n’a pu être résolu dans le Cadre temporel imparti au projet, il serait souhaitable qu’un véritable système d’évaluation portant sur les compétences soit développé dans un projet ultérieur.

 

 

 

[1] Dutch Language Union, Expertise Centre for Literary Translation a.o. (eds.). (2008). *Great Translation by the Way. A Pamphlet for Preserving a Flourishing Translation Culture.

[2] PETRA (sous la dir. de) (2012) Vers de nouvelles conditions en faveur de la traduction littéraire en Europe. Les recommandations PETRA, p. 15.

[3] CEN. (2006). EN 15038. Translation Services – Service requirements, p. 5.

[4] Cf. http://ec.europa.eu/dgs/translation/programmes/emt/key_documents/ emt_competences_translators_en.pdf.

[5] Cf. par exemple PACTE (2011) « Results of the Validation of the PACTE Translation Competence Model: Translation Project and Dynamic Translation Index », in : O’Brien, Sharon (ed.) IATIS Yearbook 2010, Londres : Continuum.

[6] Voir Mariana Orozco et Amparo Hurtado Albir. (2002). ‘Measuring Translation Competence Acquisition’. In: Meta, XLVII, 3, pp. 375-402.